"Le taux de pauvreté suédois peut très bien être trop élevé, mais à 1,2%, aucun pays européen a un niveau inférieur. La moyenne dans l'Union européenne est de 8,8%. Si la pauvreté est la cause des émeutes, presque toutes les villes sur le continent aurait été brûlées avant Stockholm."
Ainsi Johan Norberg tente de comprendre les raisons des émeutes qui se sont déroulées en Suède.
"Dans ce pays, les inégalités sont faibles, les prestations sociales sont généreuses, et les écoles, les universités et les soins de santé sont gratuits. C'est une société dans laquelle vous n'êtes pas pauvres parce que vous ne travaillez pas."
Alors, d'où vient le problème ?
"Il y a un aspect du modèle social suédois que le gouvernement n'a pas osé toucher : la forte protection de l'emploi. Selon la loi, la dernière personne à être embauchée doit être la première personne à être licencié. Et si vous employez quelqu'un plus de six mois, le contrat est automatiquement rendu permanent. Un système destiné à protéger les travailleurs condamne le jeune à une succession de contrats à court terme. Le salaire minimum en Suède - environ 70 pour cent du salaire moyen - est de facto très haut et induit des chômeurs dont les compétences sont moindres. La Suède a le moins d'emplois à bas salaires en Europe. Seulement 2,5% des emplois suédois sont de bas niveau, par rapport à une moyenne européenne de 17%.
Si vous ne recevez jamais votre premier emploi, vous n'avez jamais à acquérir les compétences et les expériences qui vous donneraient le deuxième et le troisième emploi. La Suède a généreusement accueilli des immigrants dans ses frontières. Mais il y a une autre frontière - autour de son marché de l'emploi - et elle est un bastion.
Le résultat ? Des jeunes hommes qui n'ont rien à faire et rien à perdre, qui se tiennent dehors, avec un sentiment de dévalorisation, d'humiliation et d'ennui. Ce n'est pas la première fois qu'une telle situation se termine dans la violence. Lorsque cela se produit en Suède, cela choque la gauche. Cela montre que l'argent n'est pas tout. Un gouvernement peut vous fournir des biens et services, mais pas l'estime de soi et le respect d'autrui. Un gouvernement ne peut répondre à tous vos besoins matériels, mais il ne peut pas vous donner le sentiment de ce que vous avez accompli vous-même."
Si vous parlez avec Goucho, il vous expliquera doctement que les émeutes en Suède sont le fait du libéralisme qui engendre pauvreté et inégalités.
Cela tombe bien, je croise Mohamed, beur d'origine marocaine qui ne veut plus retourner chez lui en France. Il dit que là-bas, il détonnerait. D'abord, ce qu'il adore c'est travailler : il n'aime pas les vacances. Il faut dire que cet ancien trader de formation a commencé comme garçon de café en Suisse. Mais il a fait preuve d'une tel dynamisme que ses patrons l'ont rapidement augmenté et lui ont demandé d'animer et de réorganiser d'autres établissements dont ils avaient la charge. "Si je retourne en France avec ma volonté de bosser et qu'en plus (avec mon origine), je leur explique comment faire du business, je suis mort..."
Heureusement qu'il reste quelques pays plus libéraux que d'autres, pour laisser leur chance à des garçons de talent comme Mohamed.